A l'occasion des fêtes du centenaire du Centre de Secours (21 juin 1981), le Docteur Pigeon écrivit ces quelques lignes (extraites du fascicule émis à cette occasion.)

 

Le mot du Médecin Commandant

Quand j'étais secrétaire général fondateur de Médecins Sans Frontières, un haut fonctionnaire de l'ONU, à Genève, m'a dit: "C'est parfait d'avoir des idées. C'est encore mieux de les concrétiser." Tout le monde sait que Médecins Sans Frontières a survécu à ce haut fonctionnaire. 

Au Centre de Secours principal de Château-Salins nous avons eu aussi des idées. Cela n'a pas toujours plu à tout le monde. Mais où il y a une volonté, il y a un chemin. Et récemment à Paris lors d'une table ronde avec M. le Professeur CARA, M. Christian GERONDEAU  directeur de la Sécurité Civile reconnaissait de bonne grâce qu'à Château-Salins nous étions des précurseurs. C'est vrai que, à notre niveau, nous fûmes souvent les premiers.
- Les premiers à avoir inventé en France un syndicat Intercommunal de lutte contre l'Incendie et le Secours.
- Les premiers à accueillir des femmes pompiers secouristes ( dès 1962).
- Les premiers à utiliser des bips.
- Les premiers à nous doter d'équipements lourds de désincarcération.
- Les premiers à constituer un véritable SMUR Sapeurs Pompiers officiellement reconnu comme tel au ministère de la Santé.

Le SMUR est, par sigle interposé, un Service Mobile d'Urgence et de Réanimation, médicalisé sous-entendu. Il en existe depuis quelques années beaucoup, d'extraction hospitalière.

A l'évidence les SMUR hospitaliers ne peuvent couvrir l'urgence partout. Il est admis que le délai maximum d'intervention efficace ne saurait dépasser en cas de détresse vitale neuf à douze minutes. La mortalité ou l'invalidité grave sont étroitement dépendantes des délais d'intervention en l'absence de soins efficaces. Un simple coup d'œil cartographique montre que les SMUR hospitaliers, même s'ils étaient tous opérationnels, ne peuvent couvrir l'urgence partout. Soixante pour cent du territoire national et cinquante pour cent de la population leur échappent. Et puis c'est un fait d'expérience courante et de notoriété fort connu.

Eh bien, dans ces zones blanches, hors de portée efficace des SMUR hospitaliers, il y a nécessité absolue d'organiser des équipes locales de prompts secours lourds, médicalisées, rapprochées au maximum des lieux des détresses. Ce sont de véritables SMUR locaux médicalisés par des omnipraticiens locaux, servis par des secouristes locaux amateurs certes mais de compétence professionnelle et à des résultats professionnels. Ce sont de vrais amateurs au sens noble du terme car ils aiment porter secours, mais des professionnels car ils savent porter secours. Leurs résultats le prouvent depuis plus de dix ans déjà. Pour ma part j'ai choisi d'utiliser les Sapeurs Pompiers car ils ont l'immense mérite d'exister, quadrillant sans défaut tout le territoire national, parfaitement équipés, organisés et dévoués.

La recette qui est utilisée à Château- Salins depuis dix ans est des plus simples:
- Après avoir créé dès 1963 un Syndicat Intercommunal de Secours qui regroupe deux cantons et qui assure le financement :
- Prenez un médecin rural qui visite ses malades qui le payent ;
- Ajoutez des secouristes Sapeurs Pompiers bénévoles à leur travail qui les nourrit ;
- Mettez dans le moule un Centre Principal de Secours parfaitement équipé en tous matériels ( désincarcération, soins, transports) ;
- Reliez le tout par des moyens de télécommunication astucieux ;
- Mettez au four chaud de l'urgence ;
Vous obtiendrez en un délai record, en cas de détresse, en tout point de l'emprise de ce système, l'intervention d'un SMUR reconstitué sur les lieux mêmes de la détresse, médicalisé et parfaitement efficace. Nous tenons beaucoup à cette médicalisation systématique. Nul ne peut mieux qu'un médecin décider si la médicalisation est nécessaire. Et nul ne peut intervenir plus vite que le médecin qui est déjà là. Ce SMUR est, comme il se doit, en liaison radio-téléphonique avec le SAMU régional. Mais, et c'est un gros souci, l'expérience longue déjà démontre que ça ne sert souvent pas à grand chose. C'est très démoralisant et très démobilisant pour des équipes de bonne volonté.

Aussi nous attendons, avec le plus vif intérêt et la plus extrême impatience, la création, enfin, d'un véritable hôpital d'accueil des urgences, capable de traiter dans un même lieu et en un même temps, sans question d'âge ou d'heure, toute détresse mettant la vie ou la validité en danger.

Mais, et c'est dramatique, comme le dit SHAKESPEARE (HAMLET), "tandis que l'herbe pousse, les chevaux crèvent."       

Dr G. PIGEON.